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La maison de Yolande

J’ai pris ce matin le train destination Gare du Nord, assise tranquillement le regard vers l’extérieur. Je ne scrutais pas ce qui défilait comme d’habitude, mais je pensais à la découverte que j’allais faire.

De mes amis, j’aime imaginer le lieu de vie. Aujourd’hui Nounous je vais aller chez toi, pour la première fois dans ton nouvel appartement.

J’avais connu brièvement le premier, haussmannien, plafonds hauts, grande glace classique. Passé le salon d’attente, ton cabinet de dentiste, odeur de clou de girofles rappelant le passage de temps de patients. J’avais envie de découvrir plus sur la femme qui se cachait derrière la professionnelle et voilà que tu as pris ta retraite.

Alors, tu m’as invité dans ta nouvelle demeure.

Arrivée à la Gare du Nord, j’ai traversé à pied la Gare de l’Est et je suis arrivée sur ton Boulevard. Peu de commerce, un fleuriste et en angle une grande porte cochère.

J’ai fait le code que tu m’as donné et me suis dit encore un immeuble haussmannien, moi je te rêvais plus bohème. Déçue, un peu, j’ai franchi la porte, puis après le hall un peu délabré, je suis arrivée dans une cours entourée d’immeubles plus modernes. Tu m’as dis de prendre le petit portail sur la droite, puis la descente.

J’ai pris le temps de regarder ce nouveau paysage, car s’en était un, entouré de verdure. La cour débouchait sur des allées embaumant les fleurs, des haies taillées, des petites cours intérieures. Je respirais la vie à travers les jardins privatifs et me disais qu’enfin celle que je pensais serait là au bout de l’allée, la femme pleine de surprise.

Au bout de cette allée étroite et pentue, j’ai découvert des ateliers d’artistes aux immenses baies vitrée. Devant chacun de ces ateliers, un jardinet façonné par celui ou celle qui l’habitait. Tant pis si je risquais d’être en retard, dieu sait que tu m’as appris la ponctualité, j’ai décidé de ne pas regardé à quel numéro tu habitais pour, au fil des jardinets, deviner celui né de tes mains.

Puis, là devant moi plein de pots en terre de toutes tailles, certains sont un peu cassés, mais tous sont en harmonie. L’odeur de thym se mélange à celui du cerfeuil, un chat dans un panier dort à côté d’une haie de petites tomates, une chaise longue avec, posée dessus, un livre de René de Obaldia, Du vent dans les branches de Sassafras, une odeur de bouillon chatouille mes narines, une pointe d’anis aiguise mes papilles. Je ne frappe pas à la porte, je rentre directement car je suis sûr que c’est là le lieu que tu as choisi.

Je te trouve afférée à la cuisine, ouverte sur une salle emplie de tableau de maitre, de tapis, de bibliothèques débordantes de livres de toutes sortes, d’étagères pleines de souvenirs. Tu as mis un grand miroir dans la cuisine et esquisse un sourire sans te retourner, tu sais que mon instinct a su reconnaître qui tu étais vraiment. Derrière la vitrine de la dentiste, je sais que se cachait par exemple cet escalier en colimaçon sur lequel tu as mis des statuettes africaines, souvenir de tes voyages de jeunesse.

Tandis que tu façonne notre futur repas, je découvre ta chambre, ta salle de bain, au cœur de ton intimité. Ta salle de bain, quel bazar, mais un bazar à la Nounous, comme je l’aime, tout en rondeur dans les formes, tout en finesse dans la saveur des parfums choisis avec goût.

Tiens, tu as mis dans la salle de bain le tableau que je t’ai offert la première fois que l’on s’est rencontré, pourtant ta salle de bain est haute en couleur et mon tableau est d’un gris sombre. Mais cela se marie bien.

Je redescends l’escalier et m’assoie au milieu, sur les marches, pour mieux observer l’harmonie que tu as créée dans ce fatras de meubles hétéroclites où le moderne et l’ancien se conjuguent à ta façon.

Je suis tellement heureuse d’être là et tu le ressens si bien que tu m’amènes un plateau et nous oublions la table que tu as joliment dressée pour savourer ton délicieux repas sur les marches de l’escalier. J’aime entrer dans ta bohème.

Ton appartement n’est pas très grand, mais assez pour y accueillir tes amis par petites touches. Dans la grande baie vitrée, tu as fait tailler une chatière, tu as installé un chevalet et tes pinceaux au bas de l’escalier, un châle est posé sur ton canapé pour au cas où « il fasse soudain froid ».

Ce lieu est tellement apaisant que je m’endors la tête contre la rambarde de l’escalier. Quand je me réveille, tu souris encore, j’ai l’emprunte d’un peu de ton appartement sur ma joue.

Aller, il est temps pour moi de prendre congé. Ce soir, ma nuit sera emplie de rêve où tourneront tous les objets de ta maison pour m’emmener dans une longue danse bohémienne.

Atelier d’Ecriture

Le 5 décembre 2013

Fabienne

Tag(s) : #atelier d'écriture
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